| x | Peter Pan arrive à Neverland. | x |

Peter Pan arrivait dans ce qui allait devenir son royaume, tout du moins l'espérait-il. Un maigre sac rose ne lui laissant pas le loisir de passer inaperçu en bandoulière, nœuds blancs et noirs dans les cheveux, yeux maquillés avec un peu de khôl noir, comme à son habitude, et robe parsemée de dentelle noire et blanche, Rei avançait lentement, les yeux rivés sur ses bottines lacées en cuir noir. Il avait passé tellement de temps dans l'espace confiné qu'était sa chambre que le simple voyage en train qui l'avait conduit jusqu'ici avait été pour lui riche en émotions. Tant de paysages et d'inconnus étaient devenus, malgré son oppression due à la foule, une extase assez nouvelle et jouissive pour le jeune homme, qui en réalité découvrait le monde comme un petit garçon.
On lui avait dit que là où il allait aller, il y aurait pleins de gens ‘comme toi’, des ‘vauriens’, des ‘ratés’ et des ‘pauvres’. A cette annonce, un grand sourire avait envahi le visage du garçon, qui pensait à l’ivresse d’avoir autant d’amis qu’il le souhaitait. Mais lorsqu’on avait ajouté ‘des gens à problèmes’, ses petits sourcils s’étaient froncés. Pourquoi, depuis quand avait-il des problèmes ? C'est bien connu, les plus jeunes enfants ne peuvent avoir de problèmes tant la vie qui leur est ouverte leur semble belle et pleine de libertés. Le jeune homme avait vraiment du mal à comprendre les adultes. Ils leur arrivaient souvent de dire les pires stupidités avec le plus grand sérieux. Oui, Rei avait perdu ses parents, il avait vu bien plus d'horreurs dans la rue que la plupart des personnes étant déjà âgées n'ont vu qu'à la télévision, dans leurs séries préférées, mais pour lui, c'était tout à fait normal. Horriblement et affreusement banal même. Le monde qu'il s'était créé était tellement plus beau, tellement plus idyllique et doux que celui dans lequel il vivait que pour rien au monde il ne le quitterait. Il avait sept ans, et ce jusqu'à ce qu'il décide de rejoindre ses parents, puisqu'il paraissait qu'un jour il les retrouverait dans les cieux, ou sous terre, point barre.
Pourquoi personne n'arrivait-il à comprendre et à voir la beauté de son univers ? Pourquoi les gens se résignaient-ils à la médiocrité de la planète Terre et de ses vagues de malheurs qui se déferlaient sans cesse, les engloutissant tous dans une mare de morts et où la survie était leur seul moyen de vivre ? Rei ne voulait pas de tout ça, tout ce qu'il souhaitait, de son esprit juvénile, c'était rêver et regarder le ciel tous les soirs, parler avec les autres, tout voir et découvrir de ses yeux brillants de curiosité tout ce qui pouvait être splendide et magnifique.
Ses pensées vaquaient lorsqu'il reprit conscience de la réalité et qu'il se souvint du lieu où il se tenait. Ce port n'était pas beau, ni même acceptable, le paysage était tout simplement pitoyable et inexistant d'ailleurs, mais Rei acceptait ce manque de splendeurs avec calme et sérénité, attendant un évènement qui viendrait le bousculer un peu plus qu'il ne l'était déjà, puisque c'était pour cela qu'on l'avait envoyé ici.

" Neverland... "

Il ne pouvait s'empêcher de dire ce mot. La terre qu'il s'était promis de trouver était-elle ici ? Il savait que sa seconde famille l'avait repoussé pour sa personnalité, et qu’on l’avait arraché aux gens de sa ruelle, mais ici, si c'était bien là son Neverland, il allait trouver des gens avec qui s'émerveiller de la vie, il en était sûr... En attendant, il était encore seul, et il n'aurait pas été contre un peu de compagnie et surtout contre une source d'information dont il pourrait se servir pour savoir où aller. Une dame viendra te chercher, lui avait-on dit. A moins que ce ne soit un monsieur. Il ne se souvenait plus. La mémoire des enfants, pouvant retenir à la perfection des répliques de dessins animés, avait tendance à se faire beaucoup plus faible pour les détails de la vie quotidienne.
Mais n'avait-on pas prévu son arrivée ? Cette question vint lui effleurer l'esprit, alors qu'il venait de poser son sac flamboyant à ses pieds. Apparemment non, et Rei frissonna en se demandant si ce Neverland promis pouvait être en fait une caserne où la devise serait quelque chose dans le genre 'Marche ou crève'. Il avait entendu cette phrase dans un film, à la télévision, et elle avait produit sur lui un effet incroyable. Même trois ans après, il se souvenait de la voix dure et grave de l'homme qui l'avait prononcée, avec conviction, et une lueur de cruauté brillant dans ses yeux d'une laideur incomparable.
Il lui semblait qu'une personne se dirigeait en sa direction. En tout cas, son regard était rivé sur lui, et c'est en se demandant ce qui allait suivre qu'il se baissa les yeux, intimidé, en silence.

Renfield avait été chargé d’aller chercher le nouveau prisonnier. Certains gardiens trouvant cette tâches ennuyeuse et surtout trop inférieur pour leur ego avait instauré un tour de garde ou un prisonnier tiré au hasard ou encore choisit devait aller chercher le nouveau venu sous peine d’ennui. Après tout le gouvernement se foutait un peu de cette endroit et si par hasard un prisonnier se retrouvait avec quelques blessures suspects ou encore morts, personnes de l’extérieur ne s’en occupait vraiment… Mais bon là n’était pas vraiment la question sauf qu’il marchait dehors, un vent violent se levant, faisant voler ses vêtements trop grand autour de lui. Cela ne lui fit n’y chaud ni froid, il repensait à la manière dont lui était arrivé ici, un mois plus tôt, dans ce même décor isolé et pittoresque.

Des menottes aux poignets et aux chevilles, Renfield était gardé de part et d’autres par deux flics chacun un pistolet pointé sur lui. Il fallait dire que la manière où il avait été arrêté ainsi que le motif de son arrestation n’aidait pas à sa liberté. Lorsqu’on l’avait jugé… enfin manière de parler, car il ne se souvenait que d’un homme qui avait signé un papier en disant qu’il était coupable faute de témoins approprié pour témoigner le contraire. Alors c’est ainsi qu’il s’était retrouvé sur un traversier qui le menait à la prison, à sa nouvelle demeure jusqu’à ce qu’il y meurt. Pas le moindre sentiments ne frôlait les traits de son visages, mais ce n’était pas le cas des deux policiers, il voyait bien qu’eux deux ils étaient nerveux de se tenir près de lui, lui qui les dépassait d’une tête et demi… Pourtant son regard se détourna des deux jeunes gens pour se tourner vers l’île qu’ils approchaient depuis une dizaine de minutes. Puis tout ce passa très vite une fois qu’ils eurent accosté la masse de terre. Ces menottes lui furent enlevé prestement, puis il fut laissé là et le bateau qui l’avait mener là reparti beaucoup plus vite qu’il n’était arrivé… Enfin c’est ce que lui voyait… Puis un jeune homme, un gardien, du nom de Frédérik l’avait accosté et s’était occupé de lui avec empressement, mais gentillesse.

Ça avait été son premier et seul geste de gentillesse auquel il avait eu droit dans cette prison depuis le jour de son arrivé, car peu après la règle avait été décidé et il n’avait revu le gardien dans la prison.

Se trouvant maintenant devant le jeune homme qu’il était venu chercher, un certain Rei Kimura, le prisonnier se pencha et ramassa le sac du jeune garçon sans un mot comme à son habitude et lui fit un signe de tête pour l’inviter à le suivre. Ses manière n’était pas malpolie, ni source d’une quelconque méchanceté, mais empreintes de calme et de respect pour la personne qui se trouvait devant lui. Le ciel couvert annonçait bientôt de la plus et sur les bords de l’île, il ne faisait pas bon se trouvait là lorsque la mer et le ciel se déchaînaient.

Ca y est, il voyait enfin quelqu’un, c’était bon signe. Surtout que le vent qui commençait à le décoiffer l’effrayait un peu, et il n’était pas contre l’air rassurant de l’homme qui était venu le chercher. Lorsque ce dernier attrapa son sac, Rei le laissa faire en silence, le visage fendu d’un grand sourire. Il obéit à son ordre de le suivre et lui emboîta le pas en sautillant, chantonnant un air qui ne lui sortait plus de la tête et qu’il avait entendu quelques jours auparavant. Il se souvenait encore du lieu, et ne comprenait toujours pas pourquoi on l’avait forcé à venir ici. ‘Prison’, il savait ce que cela voulait dire. Mais pourquoi l’envoyait-on, lui, si jeune, dans un lieu pareil ? Avait-il fait une bêtise ? N’avait-il pas le droit de manger ? L’homme qui l’avait violemment jeté au sol dans l’épicerie, où la chanson qu’il susurrait passait en boucle, lui avait hurlé des mots si ignobles qu’il préférait ne pas se les remémorer, même s’ils étaient gravés dans sa mémoire. ‘Voleur’, ‘parasite’, ‘petit merdeux’, ‘malade mental’, ‘pauvre dingue’. Et encore, ceux-là étaient les moins pires. A cette pensée, une larme coula sur le visage pâle du jeune garçon, qui s’arrêta de marcher pour l’essuyer du revers de la manche de sa veste rose vif, et repartit du même pas afin de ne pas se faire semer par celui qui était venu le chercher.
D’ailleurs, comment était-il ? Rei le toisa de haut en bas, et même s’il ne le voyait que de dos, son visage se radoucit lorsqu’il s’aperçut que ce dernier avait des vêtements trop grands. Il s’exclama, d’une voix enfantine, et qui cachait un rire :

" Dis, t’as rapetissé ? "

Il poussa un petit rire clair et cristallin, puis se tut à nouveau. Son regard ne quittait pas le dos de son hôte, et il accéléra le pas afin de marcher, ou plutôt continuer de sautiller, à sa hauteur. Il jetait des petits coups d’œil discrets sur son visage, et le jugea trop triste à son goût. Pourquoi ne souriait-il pas ? Etait-il malheureux ? L’expression de son visage lui rappela sur certains points celle de son père, lorsqu’il daignait sortir de sa chambre, et à cette pensée, Rei se dit qu’il ne valait sans doute mieux ne pas le lui demander, même s’il en brûlait d’envie.
A peine se fut-il interdit quelque chose que désormais, il trépignait de lui demander pourquoi il ne lui parlait pas, et pourquoi il ne souriait pas. Avait-il peur qu’il y ait un orage ? Rei avait connu une fille comme ça, de passage dans sa famille d’accueil pour quelques semaines, qui hurlait dès que le tonnerre retentissait. Elle était très jolie, d’ailleurs, mais moins que son grand frère tout de même. Peter Pan sourit en revoyant les yeux si noirs et torturés de ce garçon, qui avait fait battre son cœur pendant la trop courte durée de son séjour avec lui, puis qui s’était effacé de sa mémoire, pour n’y revenir que maintenant. Ne gardant plus le silence, il se mit à lâcher tout le flot de parole qu’il contenait depuis leur rencontre :

" T’as l’air triste. Comment tu t’appelles ? Moi c’est Rei Kimura, mais des fois on m’appelle Peter Pan, parce qu’il paraît que je lui ressemble. Je suis toujours content quand on me dit que lui et moi on est pareils, parce que je l’aime beaucoup. Et toi, t’aimes Peter Pan ? Et pourquoi tu souris pas ? Ce qu’ils donnent à manger là où on va n’est pas bon ? Quand on sera arrivés, tu vas rester avec moi ou tu vas repartir ailleurs ? Toi aussi t’es en prison ? T’as tué des gens ? Tu connais la marelle ? C’est un jeu de fille, mais je suis super fort. "

Il marqua une pause afin de reprendre son souffle, et son regard fut attiré par un gros nuage blanc dans le ciel, qui contrastait avec les autres, qui étaient tous gris. Son regard s’illumina, et il le contempla tout en continuant d’avancer, émerveillé par tant de splendeur. Comme Peter Pan devait s’amuser, lorsqu’il volait dans le ciel, à aller toucher les étoiles et se blottir dans les nuages ! Il aurait aimé plus que tout aller faire un tour dans le ciel lui aussi, et même si son ancienne tutrice se tuait à lui répéter que c’était impossible et que Peter Pan n’existait pas, Rei s’entêtait à dire et penser le contraire. En plus, Peter Pan, c’était lui, et il existait. Elle racontait vraiment n’importe quoi celle-là des fois ! Il trébucha et demanda à son interlocuteur de s’arrêter, afin qu’il refasse son lacet. Il se pencha en avant et noua rapidement un nœud sur ses bottines blanches, et repartit au même train. Il commençait d’ailleurs à fatiguer un peu, et, n’ayant pas dormi depuis deux jours, ne trouvant pas le sommeil dans les cellules où on l’avait mis ou dans les fourgons où il avait été entassé parmi des individus inquiétants, il avait hâte d’arriver et de se faire attribuer un lit où récupérer le sommeil qui lui manquait.

" On est bientôt arrivés ? J’ai mal aux talons, je crois que je saigne d’ailleurs. C’est toujours pareil avec ces bottes en cuir, elles s’usent contre mon mollet et frottent à répétition mon talon, et après j’ai jamais de pansements pour me soigner. Avant, c’était ma maman qui le faisait, mais elle est morte. C’est mon papa qui a dit que les mamans, ça meurt quand les enfants ont sept ans. Et moi, j’ai sept ans du coup, et ma maman elle est partie avec mon papa dans le ciel. Enfin, c’est ce que Noriko m’a dit. Noriko c’est la dame qui s’occupait de moi avant que j’aille dans la rue. "

Il s’arrêta de parler, mais reprit sa petite chanson là où il l’avait arrêtée précédemment. Rei voulait entendre la voix du monsieur, et surtout connaître son nom, il avait donc décidé de s’abstenir de l’assaillir de question pendant un instant afin de le laisser répondre. Il reposa son regard sur le ciel, et chercha à nouveau le nuage blanc. La tristesse l’accabla lorsqu’il du admettre que ce dernier avait disparu, et se demanda si les autres nuages l’avaient mangé, où s’il était devenu lui aussi sombre. La deuxième solution semblait la plus probable. Mais demain, il redeviendrait sûrement aussi joli que tout à l’heure, même plus, Rei en était sûr…

L’air impassible, neutre et renfermé comme c’était son habitude devant toute personne avec qui il n’avait pas d’affinité ou de liens quelconque, Renfield s’était arrêté devant le jeune homme qu’il avait été chargé d’aller chercher, puis avait ramassé le petit sac rose de celui-ci, qu’il trouva étrangement léger, mais bon si c’était un jeune homme qui comme lui, avait eu une vie des plus simple, ça s’expliquait. Puis d’un signe de tête, il l’invita à le suivre tandis que le prisonnier se mettait à avancer à un pas assez rapide du aux grandes enjambées qu’il faisait, vers la porte de la prison qui se trouvait à une centaine de mètres d’eux. Le surveillant du coin de l’œil en faisant en sorte que ça ne se remarque pas, Renfield vit le jeune homme s’arrêter pour essuyer une larme sur son visage, puis presque aussi rapidement qu’il s’était arrêter, le rattraper et se mettre à le détailler de dos de haut en bas, puis de s’exclamer quelque chose qui le fit tressaillir avant qu’un micro sourire ne vienne orner ses lèvres quelques secondes.

Après cette petite exclamation qui l’avait fait rire intérieurement, Renfield avait continuer à avancer d’un bon pas sentant le regard du jeune homme peser sur lui et le détailler de temps à autre. Enfin, il remarqua que le petit bonhomme qui se trouvait à ses côté allait bientôt se remettre à parler. L’indice qui lui faisait dire ceci était simplement qu’il le voyait trépigner sur place joutant intérieurement sûrement pour savoir si il allait le dire ou nom. Aussi Renfield écouta-t-il attentivement les paroles que l’enfant laissa tomber un fois qu’il eut choisi de demander ce qu’il voulait savoir. Une nouvelle fois, un petit sourire vint orner son visage le temps d’une seconde avant de retrouver son air impassible. Il aurait bien aimé répondre au question du jeune garçon, mais il préféra se taire et lui laisser la chance de découvrir certaines choses par lui même, tel le goût de la nourriture qui variait selon ce qu’ils mangeaient. Pour le reste des questions et bien les réponse se rapprochait toutes du non, alors il ne voulait pas décevoir le jeune homme. Non il n’était pas triste… enfin en général, il ne savait pas jouer à la marelle et puis pour se qui était de ce qui se passerait après qu’ils aient rentré dans la bâtisse en face d’eux, c’était le trou noir, l’inconnu. Ce qui le marqua néanmoins, ce fut le fait que le jeune garçon se dise comme Peter Pan, que c’était son idole et qu’il lui ressemblait sur plusieurs plans… Aussi, après un moment à l’observer tendis que Rei regardait un gros nuage blanc dans le ciel, il en conclue que oui, ils se ressemblaient, eux, ce gamin sautillant et ce personnage de fiction.

À la demande de la jeune personne, Renfield s’arrêta pour l’attendre lorsque celui-ci trébucha et dû refaire son lacet. Le jeune homme se remit aussi à parler lui avouant combien il avait mal aux pieds à cause de ses bottes, qu’il était orphelin et aussi qu’il avait arrêter de grandir à l’âge de sept ans… Enfin il en avait déduit ça de lui même étant donner que l’apparence physique du nouveau prisonnier faisait beaucoup plus vieille que sept ans. Prenant une décision, il se retourna vers le jeune homme qui chantonnait la même chanson qu’à son arrivé, le prit par la taille et l’assis sur ses épaules.

-Accroche toi… Peter Pan…

Il avait parler, oui parler de sa voix grave et profonde qui le caractérisait. Le plus vieux des deux avait décidé ce geste, car il voulait soulager un peu la douleur aux pieds de ce garçon qu’il commençait à apprécier, mais aussi pour rentrer plus vite à l’intérieur, des gouttelettes d’eau commençant à tomber du ciel et mouiller le sol autour d’eux.

Lorsqu’il sentit de solides mains le soulever de terre, le garçon poussa un petit cri d’étonnement, qui se transforma en rire lorsqu’il comprit ce qui se passait. C’était sûr que comme ça, il n’aurait plus mal aux pieds, et en plus, il pouvait regarder le ciel autant qu’il le voulait, et chercher son nuage, au cas où il redeviendrait blanc et arrêterait de jouer à cache-cache avec lui. Il posa ses petites mains sur ses cuisses, contre le cou du gentil monsieur, et pencha sa tête en arrière, écarquillant autant qu’il le pouvait ses petits yeux bridés afin de chercher attentivement une tache blanche dans toute cette masse grise. Mais comme il l’avait auparavant deviné, le nuage avait bel et bien disparu, et il abaissa donc son regard, examinant la vue que lui offrait cette nouvelle position. Il fut immédiatement attiré par les cheveux de son porteur, et de deux mains hésitantes, il s’amusa avec, faisant semblant de les couper, mimant les ciseaux de la main gauche, et créant des petits bruitages futiles.
Rei avait noté que son interlocuteur avait une très jolie voix, un peu comme dans les films, une vraie voix de beau monsieur. Mais en plus, il l’avait appelé Peter Pan, et d’office, Rei l’adorait pour cela. Les gouttes qui tombaient, de plus en plus nombreuses, créant un voile entre lui et le bâtiment qui lui faisait face, amusèrent Rei, qui s’arrêta de jouer au coiffeur pour ouvrir ses paumes au ciel, essayant de capturer la pluie. Il annonça d’ailleurs solennellement, de sa voix fluette habituelle :

- J’aime bien la pluie, mais je déteste être mouillé. C’est la prison en face ? C’est moche. Je suis sûr qu’il fait froid dedans. Mais c’est pas grave, j’ai jamais froid moi, maman elle me disait que j’avais un radiateur dans le ventre, mais bon, j’espère que non, parce que ça doit faire mal quand même. Oh ! T’as un collier ! T’aimes bien les bijoux ? Moi j’aime trop, j’en ai plein. Même que Noriko elle me disait que j’en avais plus qu’elle, et que c’était une honte. J’crois qu’elle était jalouse, c’est pour ça qu’elle me regardait méchamment et qu’elle me forçait à aller dehors. Et je déteste ça, aller dehors. Enfin, aller où Noriko voulait m’emmener plutôt. Parce que c’était plein d’inconnus, et j’ai un peu peur quand y’a trop de monde…

Il se tut, honteux de dévoiler cette crainte. Pourquoi l’avait-il fait d’ailleurs ? Comme on le lui avait souvent dit, il ennuyait les gens, et c’est sûrement ce qu’il devait être en train de faire en ce moment-même. Il croisa les bras sur son torse, et savourait l’effet d’être en hauteur. Il avait souvent vu dans la rue lorsqu’il allait faire les courses des pères porter leurs enfants ainsi, sur leurs épaules, et s’était toujours demandé pourquoi son papa à lui ne sortait jamais de sa chambre et ne faisait pas des choses comme ça avec lui. Dès qu’il en demandait la raison à sa mère, tout ce qu’il pouvait obtenir comme information, c’était un rapide ‘Papa est malade.’ d’une voix grave et larmoyante, et elle changeait toujours immédiatement de sujet.
Ils étaient maintenant à quelques pas de la massive porte qui devait servir d’entrée principale à la prison, et Rei se crispa, craignant ce qui allait advenir de lui une fois descendu des épaules du garçon à la belle voix. Il espérait juste échapper aux tortures, car il savait qu’il allait pleurer et recueillir des moqueries, comme à chaque fois que son visage se tordait de tristesse ou de peur.

- Ils font des trucs qui font mal dans la prison ? Y’a des rideaux aux fenêtres ? Y’avait une dame dans la rue qui disait qu’elle rêvait d’avoir une maison avec des rideaux, parce que c’était le comble du luxe pour elle. Moi je trouve ça dommage qu’on cache le ciel avec des bouts de tissu. Y’aura des animaux ? Moi j’ai peur des chiens, une fois j’ai vu un garçon qui s’est fait mordre, et on peut attraper la rage des fois même. C’est ma maman qui me l’a dit. Elle a toujours raison ma maman. Elle était jolie et gentille en plus. Pas comme mon papa. Le répètes pas, parce que j’ai pas la droit de le dire, mais lui, il faisait peur et en plus il m’empêchait de dormir la nuit parce qu’il criait beaucoup dans son sommeil. Avant que j’aille chez Noriko, y’a une voisine qui m’avait pas vu dans l’escalier et qui disait à son mari que mon papa il était fou. Maman ça la met en colère quand on dit ça, mais je crois que c’est un peu vrai.

Il eut un regard gêné, et ferma ses petits poings, se demandant une nouvelle fois s’il allait revoir son nouvel ami après être arrivé dans le bâtiment. Il espérait que oui, mais en principe, à la télé, quand on est dans une prison, on reste dans sa cellule et on sort pas. Rei inspira bruyamment, tentant de se calmer un peu, et il se sentit attrapé à nouveau puis reposé sur le sol. Machinalement, il récupéra son sac, et le serra contre lui, la tête basse, ses cheveux cachant son visage soudain empli de tristesse, et ses doigts enserrèrent avec le plus de force possible les deux anses de son unique bagage. Ils étaient arrivés.