La nonchalante arrivée de la Princesse Caprice

L'énorme traversier en route vers l'île qui faisait office de prison transportait à son bord une princesse nonchalante qui appréciait plus ou moins le voyage. En effet, Hasekawa Mariko était appuyée contre la rambarde, des menottes plus qu'inutiles aux poignets, et fixait l'île avec un air de totale indifférence. Ses yeux n'exprimaient rien d'autre qu'un profond ennui et une envie irrésistible de crier au capitaine d'accélérer lui tenaillait le ventre. Pas qu'elle tenait réellement à se rendre sur l'île, mais elle détestait les voyages sur l'eau. Elle les craignait. En avion, d'accord. En train, toujours passable. Mais elle détestait les navires, peut-être justement dû à cette vitesse qui paraissait terriblement lente.

« J'y serais plus vite arrivée à la nage, marmonna-t-elle.»

Elle se détourna de sa contemplation qu'elle ne supportait déjà plus et retourna s'asseoir à sa place avant de feindre un bâillement, à l'adresse du gardien qui passait devant elle. Ce dernier lui jeta à peine un regard, sans doute irrité, mais il se contenta de marmonner quelque chose avant de s'éloigner. La jeune femme ferma un instant les yeux, tentant de s'imprégner de ce moment qu'elle ne revivrait jamais. Pour la première fois, elle se demanda si elle ferait un jour le trajet en sens inverse. Cela lui semblait peu probable...Elle serait coincée sur cette île jusqu'à la fin de ces jours, auprès des véritables criminels. Des tueurs. Des violeurs. Des cinglés. Elle qui n'avait voulu qu'un peu de compagnie...Bon, d'accord, elle avait un peu menti pour passer le petit singe aux douanes. Bon, d'accord, elle avait mis en péril la vie du petit animal en voulant le passer de la forêt tropicale à son appartement très urbain. Mais ce n'était pas une raison pour l'emprisonner !

Mariko soupira. Et Takeo qui l'avait trahi, en plus...Enfin, il valait mieux oublier tout ça.

La jeune femme portait un pantalon noir moulant et un chemisier blanc, comme à son habitude. Elle avait détaché deux des boutons de son haut, laissant apercevoir la naissance de sa poitrine. D'ailleurs, elle s'imaginait bien que la plupart des passagers du traversier l'avait remarqué. Ses pieds étaient chaussés de chaussures simples et noires et elle avait pris quelques instants pour nouer une cravate noire à son col. Elle était légèrement maquillée, comme elle le faisait tous les jours et sa chevelure blonde était rattachée en chignon, laissant quelques mèches du devant tomber sur son front. En somme, elle était bien jolie et inspirait la jeunesse et la fraîcheur sur ce traversier un peu décrépi.

« Monsieur, serait-il possible de dire au capitaine de mettre les moteurs et d'arrêter de ramer ? Non parce que sincèrement, ce n'est pas un voyage touristique que nous faisons là, nous allons en prison. Vous savez si nous étions dangereux vous seriez déjà morts et nous aurions détourné cet engin pour retourner là d'où nous venons...»

Le gardien à qui elle avait fait sa tirade la regardait durement, comme pour signifier qu'il valait mieux qu'elle se taise. Quelques prisonniers ricanaient sombrement, peut-être se faisaient-ils des scénarios catastrophiques du film qu'avait décrit Mariko. Cette dernière soupira et se leva de nouveau avant de s'appuyer au bastingage.

« Si je saute, vous allez me chercher ou vous me laissez continuer à la nage ?, lança-t-elle en se tournant vers le gardien. »

Aussitôt, le concerné l'empoigna par le bras et vint la reconduire à sa place, demeurant un instant devant elle pour l'empêcher de se relever. Le reste du voyage se passa heureusement pour le gardien, en silence, et malheureusement pour Mariko, trop longuement à son goût. Ils atteignirent bientôt le port et le traversier s'arrêta près du quai où l'on fit descendre ceux qui le devaient. Mariko faisait partie du lot. Elle attrapa son sac laissé près du banc et descendit sur la passerelle. Elle fut aussitôt déçue du paysage et laissa échapper un énième soupir.

« Bonjour la belle vie à ce que je vois..., ironisa-t-elle. »

Le gardien qu'elle avait embêté tout au long de la traversée se chargea de lui retirer ses menottes puis remonta à bord avec ses collègues alors que l'embarcation s'éloignait plus vite qu'elle n'était arrivée ici, ce qui indigna profondément Mariko. Elle fit quelques pas, déposa son sac et s'étira.

*C'est décidé, je ne vais pas plus loin.*

Elle replaça une mèche un peu rebelle puis jeta un regard circulaire à ce qui l'entourait. Elle espérait sincèrement qu'un prisonnier encore un peu galant se proposerait pour l'escorter, après tout, pourquoi pas...